- ERREUR JUDICIAIRE
- ERREUR JUDICIAIREERREUR JUDICIAIREÉtudier la responsabilité de l’État du fait des services judiciaires, c’est étudier une exception au principe général de l’irresponsabilité de l’État du fait de ces mêmes services. Le principe général de l’irresponsabilité est dicté par la volonté de ne pas laisser entraver le cours de la justice par une multitude de procès de circonstances à propos d’une saisie, d’une garde à vue, d’un quelconque interrogatoire, voire, ce qui serait encore plus grave, à propos du jugement qui a été réduit à néant par la cour d’appel.Cependant, on peut se demander dans quelle mesure il est opportun de ne pas engager la responsabilité de l’État lorsque le fait de ses agents des services judiciaires a entraîné un préjudice grave (une détention pendant de longues années, par exemple et que l’on s’aperçoit, devant des faits nouveaux) que la décision était erronée. Brisé moralement, souvent physiquement, l’individu n’aurait-il pas le droit de réclamer une indemnité à cette société dont les mandataires l’ont réduit à ce point?Le problème s’est d’abord posé pour les condamnations définitives. Mais, ce qu’il y a de notable, c’est que les garanties de l’individu n’aient avancé en ce domaine que par à-coups, au gré des scandales judiciaires qui ont embrasé l’opinion. On connaît l’affaire du Courrier de Lyon. Quoique la culpabilité de Lesurques, le principal auteur, ait été à peu près établie et que les faits eussent remonté à plus de soixante ans, une grande campagne littéraire se déchaîna, laissant croire à son innocence. Aussi, devant le scandale que constituait l’impossibilité absolue de remettre en cause la décision prononcée, fut promulguée la loi du 9 juin 1867 instaurant la révision après décès et la révision sans renvoi. L’affaire Borras fut à l’origine de la loi du 8 juin 1895 qui permit la révision pour fait nouveau et, surtout, qui permit au condamné dont l’innocence serait venue à être prouvée au cours d’une telle procédure de révision de se retourner contre l’État pour lui réclamer une indemnité pour le préjudice subi.La demande en révision est une voie de recours extraordinaire dont le régime actuel, d’une extrême lourdeur, remonte à une loi de 1989 (art. 622 à 626 du Code de procédure pénale).La révision peut être demandée par le ministre de la Justice ou par le condamné. Si la victime de l’erreur judiciaire est décédée, le droit de demander la révision appartient, dans les mêmes conditions, à son conjoint, à ses enfants, parents ou légataires ou à ceux qui en auront reçu d’elle la mission expresse. La demande de révision n’est possible qu’à l’encontre de décisions définitives en matières criminelle et correctionnelle. Elle ne peut se justifier que par les motifs suivants: la production de pièces indiquant que la prétendue victime d’un homicide est toujours en vie; la contradiction avec une nouvelle décision condamnant pour le même fait un autre accusé; la condamnation pour faux témoignage de l’un des témoins au procès; la survenue d’un fait nouveau de nature à créer le doute sur la culpabilité du condamné. Une commission de trois magistrats de la Cour de cassation examine l’admissibilité de la requête; elle peut ensuite saisir la chambre criminelle, qui statue comme cour de révision. Cette dernière peut rejeter la demande. Si au contraire elle l’estime fondée, elle annule le jugement ou l’arrêt prononcé. S’il y a encore matière à poursuite, elle renvoie l’accusé ou le prévenu devant une juridiction de même ordre et de même degré, mais autre que celle qui l’avait condamné. S’il est impossible de procéder à de nouveaux débats, notamment en cas d’amnistie, de décès, de contumace ou de prescription, la cour statue elle-même sur le fond en n’annulant que la (ou les) condamnation(s) non justifiées et en déchargeant, s’il y a lieu, la mémoire des morts.Les frais de l’instance en révision sont avancés par le Trésor à partir de la saisine de la commission. Si l’arrêt ou le jugement définitif de révision prononce une condamnation, il met à la charge du condamné ou, s’il y a lieu, des demandeurs en révision, les frais dont l’État peut demander à être remboursé. Le demandeur en révision qui succombe est condamné à tous les frais. Réparation supplémentaire du préjudice subi, si le demandeur la requiert; l’arrêt ou le jugement de révision d’où résulte l’innocence du condamné est affiché dans la ville où a été prononcée la condamnation, dans la commune du lieu où le crime ou le délit a été commis, dans celle des demandeurs en révision et du dernier domicile de la victime de l’erreur judiciaire, si elle est décédée; dans les mêmes conditions, il est ordonné qu’il soit inséré au Journal officiel et publié, par extraits, dans cinq journaux au choix de la juridiction qui a prononcé la décision. Les frais de publicité sont dans ce cas à la charge du Trésor. Le principe de la responsabilité de l’État à l’égard de ceux qui ont souffert d’une erreur judiciaire doit recevoir son application devant toutes les juridictions. Le condamné reconnu innocent a droit à une indemnité en raison du préjudice subi, de même que toute autre personne qui aura été lésée par la condamnation. C’est une commission spéciale composée de trois magistrats du siège à la Cour de cassation qui alloue cette indemnité par une décision non motivée et insusceptible de recours. Elle doit être saisie dans les six mois suivant la décision d’annulation. Les dommages-intérêts alloués sont à la charge de l’État, sauf son recours contre la partie civile, le dénonciateur ou le faux témoin par la faute desquels la condamnation a été prononcée.Nous avons analysé là la responsabilité de l’État en cas de révision; mais, en cas de pourvoi dans l’intérêt de la loi, la seule possibilité pour le condamné reconnu innocent d’obtenir des dommages-intérêts de la part de l’État serait de prouver que le fait ayant motivé le pourvoi constitue un quasi-délit, c’est-à-dire une faute ayant un lien direct et certain avec le dommage, soit avec la condamnation et ses conséquences. Le préjudice serait alors réparé selon les principes de l’article 1382 du Code civil.Le problème de la détention provisoire est encore plus aigu, car susceptible de se présenter de façon beaucoup plus fréquente. Un individu qui a subi plusieurs mois de détention provisoire peut-il obtenir de l’État des dommages-intérêts s’il a fait l’objet d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement? Traditionnellement, on répondait par la négative. Le tribunal de grande instance de Paris a rappelé le 15 octobre 1969 la notion de «risque social anormal» pouvant donner lieu à réparation pour le préjudice subi sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. La loi du 17 juillet 1970 consacre ce droit à une indemnité lorsque la détention a causé un préjudice «manifestement anormal et d’une particulière gravité». C’est cette même loi qui a mis en place la commission spéciale mentionnée précédemment (art. 149 et 150 du Code de procédure pénale).
Encyclopédie Universelle. 2012.